En Belgique, les jeunes d’origine étrangère continuent de faire face à des inégalités sur le marché de l’emploi. Malgré un diplôme équivalent, ils peinent davantage à décrocher un poste. De nombreuses études et tests en situation réelle le confirment : le nom inscrit sur un CV suffit parfois à décider s’ils seront convoqués à un entretien.
De nombreux obstacles, dont la discrimination
Les primo-arrivants et les jeunes issus de l’immigration se heurtent à plusieurs obstacles lorsqu’ils cherchent un emploi : barrière linguistique, non-reconnaissance des diplômes, réseau limité ou méconnaissance des codes du marché du travail : les obstacles sont multiples. S’y ajoute également la discrimination, un obstacle avéré mis en lumière par plusieurs recherches menées ces dernières années.
Une étude publiée en 2016 par les chercheurs Baert et Lippens a révélé que les candidats portant un nom de famille turc obtenaient 46 % d’invitations à un entretien d’embauche en moins que ceux ayant un nom de famille flamand. Des recherches menées à l’échelle internationale confirment cette réalité : les candidats d’origines ethniques différentes ont en moyenne 29 % moins de chances d’obtenir une réponse positive de la part des employeurs.
En 2024, le Centre pour l’égalité des chances Unia a recensé 643 cas de discrimination liée à l’origine, dont 29 % dans le contexte professionnel. En Flandre, une étude réalisée en 2024, qui a servi de première mesure de référence sectorielle sur la discrimination, a montré que dans 6 des 7 secteurs étudiés, des cas de discrimination existaient en raison de l’origine ethnique ou du parcours migratoire des candidats.
Une réalité quotidienne pour les mentees
Nos mentees perçoivent eux aussi la discrimination comme un obstacle majeur. Une enquête interne menée auprès de plus de 7 700 d’entre eux révèle qu’une personne sur dix se sent discriminée lors de sa recherche d’emploi. Et ce chiffre est probablement sous-estimé.
« La discrimination doit vraiment être combattue en Belgique. Beaucoup de gens ne s’en rendent pas compte, mais nous, nous la vivons au quotidien. »
— Malinie, mentee
Diplômée en comptabilité, Malinie constate qu’elle est régulièrement contactée par son agence d’intérim pour des missions temporaires. Mais dès qu’il s’agit de contrats avec une perspective d’emploi stable, le téléphone se tait.
Le cas d’Aminata illustre aussi cette réalité. Pendant sa formation en soins esthétiques, elle a cherché un stage sans succès, on lui répétait que toutes les places étaient déjà prises. Pourtant, quand une amie belge a appelé en son nom, un stage s’est soudainement libéré. Le recruteur a été surpris de voir Aminata se présenter en personne.
La discrimination affecte profondément les jeunes. Elle mine leur confiance en eux, les pousse à s’auto-discriminer (« pourquoi postuler si je n’ai aucune chance ? ») et érode leur confiance dans le marché du travail et les institutions publiques.
Le mentor apporte son soutien
Chez DUO for a JOB, les jeunes issus de l’immigration ne sont pas seuls face à ces défis. Ils sont accompagnés par un mentor : une personne qui écoute, encourage et surtout informe sur leurs droits, et sur la manière de les faire respecter.
Le rôle du mentor va bien au-delà du simple accompagnement. Il aide les jeunes à voir leur diversité comme une force : la maîtrise de plusieurs langues, le bagage culturel, la créativité et la résilience sont autant d’atouts recherchés par les employeurs. Mais avant tout, le mentor aide à reconstruire la confiance en soi, un élément essentiel pour oser postuler et s’imposer sur le marché du travail.
Ce soutien se traduit par un espace sûr où le jeune peut s’exprimer librement. Le mentor écoute, questionne et guide, aidant le mentee à découvrir des qualités qu’il ne soupçonnait pas en lui. Peu à peu, les jeunes retrouvent conscience de leurs forces et gagnent en assurance pour avancer vers l’emploi.
Au-delà du développement personnel, le mentor joue aussi un rôle clé dans l’ouverture de portes souvent fermées aux jeunes issus de l’immigration. Dans de nombreux secteurs, avoir un réseau est aussi important qu’un CV solide. Grâce à leurs contacts et leur expérience, les mentors peuvent créer des opportunités, accompagner leurs mentees dans leurs démarches et faire levier contre la discrimination.
Créer du lien pour dissiper les préjugés
Le mentorat transforme non seulement les mentees, mais aussi les mentors eux-mêmes. Tous suivent une formation intensive de quatre jours, au cours de laquelle ils apprennent notamment à questionner leur propre cadre de référence. Selon les évaluations, neuf mentors sur dix développent une meilleure compréhension de la situation des jeunes issus de l’immigration, et plus d’un tiers voit même sa vision de la société profondément évoluer.
« Quand on côtoie les employeurs, et j’en étais un moi-même, ou qu’on regarde dans les médias, la main sur le cœur, ils disent tous : ‘De notre côté, il n’y a pas de discrimination, ça n’existe pas. Ni chez nous, ni chez les autres, ça n’existe pas.’ Je le disais aussi. Et puis, quand je suis venu chez DUO for a JOB, je me suis aperçu que ça, c’est le discours et que la réalité de tous les jours est très loin de correspondre au discours. Je trouve que dans ce rôle là, des ASBL comme DUO ont un rôle à jouer aussi dans l’évolution des mentalités. Et ça, c’est un travail de long terme. »
— Paul, mentor et ancien CEO
Les études scientifiques confirment ce que nous observons sur le terrain : un contact intensif, bien encadré, est l’une des clés les plus efficaces pour combattre préjugés et discriminations. Chez DUO for a JOB, une véritable communauté se crée autour de cette expérience enrichissante du partage entre cultures. Ces personnes transmettent ensuite ce vécu à leur entourage, devenant ainsi des acteurs engagés dans la lutte contre la discrimination.
« Des fois, quand je parle [avec des amis] de ce que je fais chez Duo, je vois bien dans leurs yeux, ‘tiens, c’est bizarre, je pensais ne pas être raciste, mais là, je ne réagirais peut être pas comme ça.’ C’est en étant confronté à des personnes que je n’aurais jamais rencontrées autrement que je me rends compte qu’en fait, peut être que l’idée que j’en avais n’était pas la bonne. Je crois qu’on est tous comme ça. Je pense que c’est intéressant d’être un petit peu confronté à la vraie réalité.”
— Paola, mentor
L’exclusion de personnes compétentes: un préjudice pour l’ensemble de la société
Le mentorat prouve que le contact personnel fonctionne : il brise les préjugés, aide les jeunes issus de l’immigration à mieux valoriser leurs compétences et ouvre des portes vers des opportunités autrement fermées. Mais le mentorat ne suffit pas à lui seul. Les chiffres et les témoignages montrent clairement que la discrimination à l’embauche reste une réalité. Et cela ne peut pas être toléré. Il est grand temps d’agir de manière structurelle. Car tant que des personnes compétentes et motivées seront systématiquement exclues, nous serons tous perdants : les jeunes, les employeurs, et la société tout entière.
Découvrez la campagne "Qui est-ce?"