L’accord de Pâques, récemment conclu par le gouvernement fédéral, engage une réforme profonde de notre système d’assurance chômage. Parmi les mesures annoncées, la limitation dans le temps des allocations avec comme conséquence concrète la fin des allocations pour plus de 100.000 personnes à partir de janvier 2026. Objectif? Atteindre un taux d’emploi de 80 % avant la fin de la décennie. Toutefois, ce changement, présenté comme un levier pour “inciter” au retour à l’emploi, risque, seul, de fragiliser davantage les personnes déjà en difficulté, en particulier celles confrontées au chômage de longue durée.
Si la réforme en cours veut réellement favoriser leur retour à l’emploi, elle devra s’accompagner d’un investissement massif dans des dispositifs d’accompagnement humain, ciblés et individualisés. Sans cela, cette décision risque de produire l’effet inverse : une précarisation accrue, un sentiment d’abandon et…un éloignement des conditions dans lesquelles ces personnes seraient en mesure de retrouver un emploi stable.
Les défis des chômeurs de longue durée: perte de confiance, de compétences et de réseau
En effet, le chômage de longue durée ne se résume pas à une période étendue sans emploi. Il marque souvent un tournant, à partir duquel les perspectives de réinsertion se réduisent fortement : après un an de recherche, les chercheurs d’emploi ont trois fois moins de chances de retrouver un travail que ceux qui cherchent depuis moins de six mois. (1) Derrière ces statistiques se cachent des défis personnels et sociaux complexes.
Une période prolongée sans emploi ébranle d’abord la confiance des chômeurs de longue durée, impactant directement leur manière de se présenter aux recruteurs: compétences jugées inutiles non mentionnées sur le CV, lettres de motivation moins convaincantes, manque d’assurance lors des entretiens, méfiance des trous dans le CV. La charge administrative nécessaire pour maintenir ses droits pendant cette recherche ajoute une difficulté supplémentaire.
Une longue période sans emploi déprécie également le capital humain. Les compétences acquises par l’expérience se perdent si elles ne sont pas régulièrement mises en pratique (2). L'absence de travail entraîne l’absence de réseau professionnel qui réduit l’accès à des opportunités souvent cachées, et empêche une compréhension fine du marché du travail. Un bon "matching" entre un poste et un profil repose sur la capacité à connaître ces opportunités et à comprendre les attentes des employeurs (3), un savoir difficile à acquérir en étant isolé.
Dans ce contexte, il est essentiel de penser à des mesures d’accompagnement, qui permettent à ces personnes de construire une sortie durable du chômage de longue durée.
Le début d’un parcours détermine souvent sa direction
Le chômage de longue durée n’est pas une fatalité, mais un processus insidieux qui s’installe progressivement. En solution, plus l’intervention est précoce, plus elle est efficace. En effet, les premières années sur le marché du travail jouent un rôle crucial dans la trajectoire professionnelle.
Si un jeune diplômé reste sans emploi neuf mois après l’obtention de son diplôme et ne parvient pas à en trouver dans l’année qui suit, la probabilité de décrocher un emploi dans les deux années suivantes chute drastiquement (de 60 % à 16 % pour les hommes, de 47 % à 13 % pour les femmes). (4)
Ce seuil critique marque le passage d’un chômage temporaire à un risque élevé de chômage de longue durée. À l’inverse, accéder rapidement à un emploi stable permet d’éviter cette dynamique de décrochage et de s’ancrer dans une trajectoire professionnelle durable. D’où la nécessité d’intervenir tôt, pour soutenir les parcours avant qu’ils ne se fragilisent.
Une réponse humaine à un défi systémique : faire le pari du mentorat
Nous avons donc besoin de politiques qui préviennent le chômage de longue durée, et qui, lorsque celui-ci survient, proposent rapidement des solutions concrètes pour en sortir. Des solutions qui prennent en compte la réalité des personnes, leurs trajectoires, leurs fragilités, mais aussi leur potentiel. Le mentorat constitue une réponse efficace à ce double enjeu: prévenir et accompagner.
C’est dans cette optique que DUO for a JOB propose, depuis plus de 10 ans, un programme de mentorat destiné aux jeunes de 18 à 33 ans issus de l’immigration hors Union européenne — un public particulièrement vulnérable sur le marché du travail et au coeur de cible de cette réforme. (5)
Le principe est simple, mais redoutablement efficace : durant six mois, un mentor expérimenté et bénévole accompagne un jeune dans sa recherche d’emploi.
Une philosophie humaine de l’accompagnement qui permet de replacer la personne au centre, considérer son parcours dans sa globalité, miser sur ses envies et sur ces forces, et lui redonner confiance.
Ce lien de confiance permet d’abord de restaurer l’estime de soi, un préalable indispensable à toute démarche d’insertion professionnelle. Ensuite, il offre un appui concret pour avancer: faire un bilan de compétences, rédiger un CV, structurer une lettre de motivation, se préparer à un entretien… autant de savoir-faire transmis et mobilisables tout au long de la vie professionnelle. L’originalité du programme réside aussi dans son matching sectoriel : chaque jeune est mis en relation avec un mentor issu de son domaine d’intérêt, cela permet aux jeunes de mieux comprendre les attentes spécifiques de leur domaine, d’en saisir les codes implicites et, surtout, de commencer à construire un réseau professionnel.
Les résultats parlent d’eux-mêmes: à l’issue du programme, un jeune sur deux trouve un emploi stable (contrat de plus de trois mois) et plus de 92 % des jeunes déclarent avoir retrouvé confiance en eux. Le premier pas d’une trajectoire positive et cohérente dans le monde professionnel.
À l’heure où une réforme de grande ampleur entend accélérer le retour à l’emploi, il est plus que jamais essentiel de l’assortir de politiques d’accompagnement solides, humaines et ambitieuses. Le mentorat en est un levier précieux : une solution concrète qui transforme les parcours — pour les jeunes, pour les employeurs, pour la société tout entière.
(1) https://www.lecho.be/dossiers/emploi/un-tiers-des-chomeurs-de-longue-duree-glissent-vers-l-inactivite/10600999.html
(2) Microeconomic analysis of unemployment persistence in Belgium, Gangji A., Plasman R., 2008
(3) Unemployment Scarring Effects: An Overview and Meta-analysis of Empirical Studies, Filomena M., 2023
(4) The Institute of Labor Economics, 2011
(5) En Belgique, seuls 47,6 % des jeunes de 20 à 29 ans d’origine hors-UE sont en emploi, un chiffre bien inférieur au taux d’emploi total des jeunes (60,2 % pour les 20 à 29 ans). https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/lfsq_ergacob__custom_16113828/default/table?lang=fr