Un accès inégal à l’emploi et des postes précaires
En Belgique, seules 46% des femmes originaires de pays hors Union européenne ont un emploi. C’est bien moins que les femmes d’origine belge (75%) et que les hommes issus de l’immigration (62%). Par rapport à d’autres pays européens comme les Pays-Bas, la France ou l’Allemagne, la Belgique est à la traîne.
Ces femmes sont aussi plus souvent inactives, par exemple parce qu’elles sont en incapacité de travail ou occupées à plein temps aux soins de leur famille. Travailler reste bien entendu un choix personnel, et les tâches de soins ont une grande valeur. Mais pour celles qui souhaitent travailler, des chances égales doivent exister.
Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Les femmes issues de l’immigration sont deux fois plus nombreuses à chercher un emploi que les femmes d’origine belges. Celles qui trouvent un travail finissent souvent dans des emplois peu valorisés et précaires, comme les titres-services ou les soins à la personne. Ces secteurs sont caractérisés par une forte pression de travail et peu de perspectives d’évolution.
Le problème ne se limite donc pas à l’accès à l’emploi : la qualité et la durabilité des emplois laissent aussi à désirer.
“Personnellement, je pense que le problème de la discrimination devrait être vraiment abordé en Belgique parce que je pense que beaucoup de personnes ne le savent pas, mais on le vit au quotidien. Je vais prendre un exemple pour la recherche d’emploi. Moi, j’avais envoyé mon CV dans une agence d’intérim qui est censée me trouver du travail. Une fois, j’ai vu une annonce qu’ils ont postée et pour laquelle je remplissais entièrement les conditions. Je les ai contactés pour dire « mais vous avez mon CV, je remplis entièrement les conditions, pourquoi vous ne m’avez pas contactée pour me parler de ce job ? » Je n’ai eu aucune réponse. Lorsqu’il y a des contrats d’une semaine ou de deux semaines, on est contacté. Lorsqu’il y a des vrais contrats en vue d’engagement à ce niveau là, non, on ne nous contacte pas du tout.” - Aissatou, mentee
À l’intersection du genre et de l’origine migratoire
Les femmes issues de l’immigration ne forment pas un groupe homogène. Leur niveau d’éducation, leur origine, leur maîtrise des langues et leur parcours migratoire varient fortement. Pourtant, elles se heurtent souvent aux mêmes obstacles structurels.
“J’ai dû quitter différents emplois parce que je ne pouvais pas faire garder mes enfants plus tôt. Le service du matin commençait à 5h00, alors que la garderie n’ouvrait qu’à 7h00, donc les heures ne correspondaient tout simplement pas. C’est surtout un défi pour les mères qui travaillent en équipes ou qui doivent commencer tôt. Un horaire régulier de neuf à cinq n’est pas toujours disponible pour les parents.” - Isha, mentee
Chez DUO for a JOB, nous avons déjà accompagné en Belgique plus de 3 500 jeunes femmes issues de l’immigration. Leurs profils sont diversifiés : 128 nationalités, la majorité avec un titre de séjour basé sur le regroupement familial, et souvent moins de cinq ans dans le pays. La moitié n’a pas de revenu propre et dépend financièrement de leur partenaire ou de leur famille. 41 % ont des enfants.
Lors des premiers entretiens, les mêmes difficultés reviennent souvent : barrières linguistiques, manque d’expérience professionnelle, incertitudes concernant le CV ou la lettre de motivation, manque de connaissances du marché du travail, réseau limité. Plus de la moitié ne possède pas de diplôme reconnu en Belgique, bien que beaucoup aient un diplôme de leur pays d’origine. Une femme sur dix ayant des enfants déclare que les problèmes de garde l’empêchent un retour à l’emploi.
La discrimination à l’embauche reste malheureusement une réalité, comme le montrent régulièrement les études. À l’intersection du genre et de l’origine migratoire, plusieurs défis se conjuguent et se renforcent mutuellement.
“Je cherchais un stage en esthétique. Partout où j’appelais, on me disait d’abord non. Puis, c’est ma copine belge qui a appelé, et là, c’était oui… ” - Aminatta, mentee
Grâce au mentorat, les femmes ont autant de chance de trouver un emploi que les hommes
Mais il y a aussi de bonnes nouvelles. Chez DUO for a JOB, plus de femmes que d’hommes participent au programme de mentorat. Fait remarquable : leur taux de sortie vers l’emploi, un stage ou une formation est aussi élevé que celui des hommes. Sept femmes sur dix trouvent une solution, grâce au soutien d’un mentor bénévole expérimenté. Avec ce soutien, elles surmontent les obstacles – y compris la double discrimination.
"Quand je suis arrivée chez DUO, j’étais un peu perdue (…) et j’avais besoin que quelqu’un de neutre qui ne me connaisse pas me donne un avis objectif et qu’on puisse faire un plan, une feuille de route. Mais qu’est ce que je fais après ? Qu’est ce qui est plus important ? Qu’est ce que je fais en priorité ? Et qu’est ce qui faisait que je ne me sentais pas bien dans le domaine dans lequel j’avais fait mes études ? (…) Le mentor en fait, au bout d’1 mois, il a pu mettre des mots précis qui ont débloqué la situation (…). Et à partir de là, c’était plus facile." - Diane, mentee
Le mentorat fonctionne parce qu’il repose sur un accompagnement individualisé, sur mesure – quel que soit le niveau d’études. Un mentor avec de l’expérience dans le secteur et un réseau, mais surtout une personne qui continue à motiver dans les moments difficiles, fait une grande différence.
Si les pouvoirs publics soutiennent et étendent cette approche, de nombreuses femmes pourront réaliser leur potentiel et contribuer à un marché du travail plus inclusif.
"Je vais utiliser une métaphore : nous sommes les conducteurs de la voiture, mais nous avons également besoin de quelqu’un pour nous guider, comme un GPS. Je pense que DUO joue ce rôle d’aide précieuse. Quand je suis arrivée ici, je tentais de naviguer de point A à point B, mais, je ne connaissais pas bien le point B, et le point A était également flou (…) Je n’avais pas conscience de mes talents et de mes faiblesses. Je ne parvenais pas à évaluer objectivement ma situation. J’avais besoin de quelqu’un pour la regarder avec un regard extérieur, quelqu’un qui me dirait ‘peut-être que cette route n’est pas la meilleure, tu pourrais aussi essayer celle-ci’." - Sila, mentee
Accompagnement individuel et mesures structurelles
Il va de soi qu’en plus du mentorat, des mesures structurelles sont nécessaires. Celles-ci doivent adopter une approche intersectionnelle et transversale, en s’attaquant aux obstacles persistants.
Voici quelques leviers essentiels
👉 Des crèches abordables et flexibles, ouvertes aussi en dehors des horaires classiques, pour permettre aux femmes avec des horaires irréguliers de travailler.
👉 Une reconnaissance rapide et transparente des diplômes et compétences obtenus à l’étranger pour qu’elles puissent accéder à des emplois à la hauteur de leurs qualifications.
👉 Lutter contre les discriminations à l’embauche, pour garantir à toutes et tous une vraie égalité des chances.
Les femmes issues de l’immigration ont un énorme potentiel. Beaucoup souhaitent mettre leurs talents au service de la société, mais reçoivent aujourd’hui encore trop peu d’opportunités de décrocher un emploi durable. Pour une vraie inclusion sur le marché du travail, il faut agir sur deux fronts : un accompagnement humain et personnalisé, et des réformes structurelles pour lever les obstacles.
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