Pour le magazine L’entreprise & l’homme, Bruno Withoek, mentor chez DUO a pris le rôle du journaliste. Il nous livre l’histoire de son mentee, Kaman.

Kaman, guinéen d’origine, a obtenu le statut de réfugié politique en 2014. II témoigne du parcours qui l’a mené de son  pays en  Belgique et de ses démarches pour s’intégrer chez nous.

 


Bonjour Kaman, nous nous connaissons un peu, et j’aimerais que tu nous parles de ton parcours de réfugié?

Kaman : Je suis arrivé en Belgique en octobre 2013 après avoir fait un séjour en prison dans mon pays d’origine, la Guinée Conakry. J’avais en effet pris parti pour un candidat à l’élection présidentielle autre que celui de mon ethnie. Bien souvent en Afrique, les partis politiques sont liés à une appartenance  clanique et ont un caractère tribal. Et donc

je n’étais pas d’accord de suivre ce schéma-là, dans la mesure où pour moi c’est un programme de société qu’il faut défendre avant d’appartenir à un groupe.

As-tu fait des études, pourrais-tu m’en dire plus?

K.D. : Oui, j’ai étudié la littérature française de manière générale et enseigné au niveau du lycée la littérature francophone africaine des années ’60.

Comme j’étais dans les 50 premiers de ma promotion, j’étais contraint de rester l’université dans ma région pour y donner cours, mais sans pouvoir garder mes idées. D’autre part, cela coïncidait avec les élections présidentielles et je voulais rejoindre la capitale pour militer pour un candidat d’opposition et ses idées. Lors d’une manifestation en 2012, j’ai été arrêté et mis en prison.

C’est lors de la fête nationale que  mon candidat a réussi me faire sortir des geôles du pouvoir en corrompant les gardiens, je suis sorti, caché dans un coffre de voiture. J’ai été caché quelques mois pour préparer ma sortie du pays et mon voyage.

Le parti que je défendais a fait toutes les démarches pour moi et j’ai pris l’avion pour Bruxelles où je pouvais bénéficier de relais pour m’accueillir à l’arrivée. Comme cela se passe

souvent dans pareils cas, je suis passé avec des papiers disons « aménages », j’avais donc peur et le douanier m’a demandé si je tremblais parce que j’avais froid, je lui ai répondu « oui » et il a apposé les visas et tampons sur mon passeport sans regarder et en me souhaitant la bienvenue en Belgique où il fait froid.

Et une fois en Belgique?

K.D. : Je suis arrivé avec un passeur, qui m’a amené un dimanche soir la gare du Nord, pour que le lendemain je puisse aller à l’Office des étrangers pour demander l’asile. J’ai été immédiatement envoyé dans le centre d’accueil de Fedasil Woluwe Saint-Pierre. C’était la période la plus difficile car il a fallu passer par les questions du CGRA (Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides). Des questions qui allaient dans tous les sens, (composition de famille, appartenance politique, pourquoi je suis venu, …). C’est l’attente de la réponse du statut qui est la plus longue. En ce qui me concerne, entre le moment où j’ai été interrogé et la notification de la décision, cela a pris 14 mois, en fait deux ans en tout.


Comment  t’y es-tu pris une fois le statut en poche ?

K.D. : Une fois que le statut est obtenu, les choses doivent s’accélérer. On ne peut plus  rester que deux  mois au centre, il faut trouver un logement, un travail, mettre ses documents sociaux en ordre avec le CPAS. Heureusement, j’ai pu bénéficier de l’aide de personnes bienveillantes comme l’assistante sociale de Fedasil qui a rassuré le propriétaire, et d’associations. J’ai également pu démarrer une vie sociale et de bénévolat pour le SCI (Service Civil International). J’y donne encore aujourd’hui des formations à l’interculturalité ainsi que des animations autour de ce sujet. Cela m’a permis de me construire un réseau et d’entrer en contact avec une association d’aide à la recherche d’emploi pour jeunes issus de l’immigration (DUO for a JOB). Ceci m’a permis de retrouver confiance en moi et ce malgré l’une ou l’autre déception dans d’autres structures. C’est ainsi que j’ai pu décrocher un premier emploi d’animateur socio-culturel au sein du service jeunesse d’une commune bruxelloise, ainsi que d’animateur de plaine de vacances dans une autre.


C’est quoi ton job ?

K.D. : Je m’occupe de l’accueil, de l’organisation des réunions inter­ associatives, ainsi que des ateliers sportifs. Je continue également à me former. Je suis toujours animateur au SCI et participe régulièrement à des tables rondes ou des témoignages pour l’association qui m’a accompagnée dans ma recherche d’emploi.

Officiellement, je ne milite plus. Cela fait partie aussi des conditions implicites de l’accueil, pour éviter d’avoir des problèmes. Cependant je rencontre régulièrement des compatriotes.


Comment apprécies-tu l’accueil en Belgique?

K.D. : En quelque sorte, la Belgique me protège et m’a sauvé la vie. Je ne sais pas ce qu’il serait advenu de moi si je n’avais pas été reconnu, j’aurais pu être refoulé et les choses auraient été sensiblement plus compliquées. Actuellement je ne peux retourner dans mon pays au risque de perdre mon statut de réfugié. Vous savez, depuis que je suis parti, dans mon entourage proche ou plus lointain, ii y a eu environ 80 morts ou disparus et 300 jeunes ont été mis en prison pour la défense de leurs idées.


Quels sont tes projets ?

K.D.: Maintenant que je suis réfugié, je suis libre dans mes déplacements,

et je me sens en sécurité. II est d’ailleurs prévu que prochainement j’aille voir ma grand-mère dans un pays frontalier du mien, elle est la seule famille qui me reste, et puis elle aimerait bien que je me marie…

 

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